L’ENFANT ET LA SÉPARATION DE SES PARENTS (article paru en 2018) 

Véronique Pigeon avocate

3/2/2020

En 2014 les tribunaux ont prononcé environ 123 500 divorces, mais en réalité c’est près de 240 000 couples qui se séparent chaque année, entraînant leurs enfants dans un parcours parfois chaotique.

D’après une grande enquête de l’INSEE (relayée par L’Express dans son numéro du 16 décembre 2015), le nombre d’enfants qui subissent la séparation de leurs parents est passé en moyenne de 145 000 par an pour la période 1993-1996 à 191 000 par an entre 2009 et 2012. En 2009, près de 60 % des 130 000 divorces ont impliqué au moins un enfant mineur.

Après la séparation de leurs parents, 75 % des enfants vivent chez leur mère, 17% en résidence alternée et 8 % chez leur père, ce qui correspond globalement aux choix des parents. En moyenne, 83 % des parents parviennent à un accord sur le mode de résidence. Les enfants sont alors amenés à vivre dans des familles monoparentales ou recomposées.

Trop souvent les conflits se cristallisent autour des modalités de l’exercice de l’autorité parentale.

Et trop souvent les parents oublient les règles de base de leurs devoirs envers leurs enfants et qui sont clairement énoncées dans le Code Civil. « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne »

L’avocat rencontre beaucoup (trop) de situations dans lesquelles les enfants deviennent un enjeu et sont entraînés dans un conflit qui n’est pas le leur. Les parents ne devraient jamais oublier que l’enfant souffre de la séparation de leur couple et que cela génère une très grande inquiétude.

L’enfant, témoin de la crise, ne comprend pas toujours ce qu’il se passe et espère que ses parents vont « se remettre ensemble ». Un enfant, quel que soit son âge, a besoin d’être informé des décisions des adultes sans être pris en otage dans le conflit et rassuré sur ce qu’il va lui arriver et les changements qui vont intervenir dans sa vie de tous les jours.

Le Code civil ajoute d’ailleurs : « Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».

Pour autant, en cas de mésentente des parents sur la nouvelle organisation familiale, c’est le Juge qui décide du sort des enfants.

Le critère qui est déterminant, c’est « l’intérêt de l’enfant », cité à de multiples reprises dans le Code Civil.

Le choix de l’enfant, mais avec la décision du juge

Trop d’idées reçues courent sur la question et notamment celle selon laquelle l’enfant pourrait choisir son lieu de résidence, à partir de 13 ans. Le Juge aux Affaires Familiales doit entendre l’enfant qui en fait la demande, mais il reste seul décisionnaire, en fonction de ce qu’il estime conforme à son intérêt. De même, il pourra ordonner une enquête sociale pour être éclairé sur les conditions de vie des parents, leur environnement, leurs motivations. Plus exceptionnellement, il pourra demander une expertise psychologique familiale.

En pratique, on peut regretter le peu d’écho en matière familiale du décret du 11 mars 2015 prévoyant le recours aux modes amiables de résolution des différends préalablement à la saisine de la juridiction.

La médiation est en effet un mode d’apaisement des situations conflictuelles et les Juges aux Affaires Familiales peuvent faire une injonction aux parents de rencontrer un médiateur. Celui-ci les informera de l’intérêt de la mesure, mais rien n’obligera les parties à poursuivre les rencontres pour trouver un terrain d’entente et surtout renouer le dialogue, restaurer la confiance mutuelle.

Car la crise conjugale qui s’est installée entraîne très souvent une défiance réciproque de chaque parent envers l’autre et une remise en cause de ses capacités éducatives.

Il est très rare qu’un enfant soit en danger avec l’un de ses parents, celui qu’on appelle le plus souvent le « parent non gardien » et qui a un droit de visite et d’hébergement.

Ce qui est dangereux, c’est de tenir un discours dénigrant sur l’autre parent en présence de l’enfant, de le prendre à partie, de lui mentir, de l’obliger à choisir entre ses deux familles. Reprendre sa liberté mais rester ensemble des parents, c’est le défi qui s’impose pour préserver les enfants et leur permettre à eux aussi de se reconstruire après une séparation.