L’AMBULANCE ET LA VOIE DE TRAMWAY

Véronique Pigeon avocate

3/2/2020

La Cour d’Appel de GRENOBLE, dans un arrêt du 14 octobre 2019 (n° 18/01616)  a utilement précisé les règles de circulation des ambulances sur les voies réservées aux tramways.

Mon client, ambulancier du SAMU , se rendant  avec une équipe médicale sur  une intervention urgente, avait emprunté la voie de tram qui coupait un grand carrefour giratoire et l’amenait directement dans la rue opposée. A 5 heures du matin, alors que le jour n’était pas levé,  il avait allumé ses  gyrophares mais n’avait pas enclenché le deux tons, car les riverains du carrefour, situé à proximité de l’hôpital,  s’étaient plaints aux autorités des nuisances sonores .Leur hiérarchie conseillait donc aux chauffeurs d’éviter  l’utilisation des avertisseurs sonores la nuit.

Les automobilistes qui empruntaient normalement le giratoire étaient avertis, à l’approche de la sortie de la voie de tramway qui leur coupait la route, qu’ils devaient céder le passage par un panneau et un feu clignotant.

Ce matin là, un livreur  ne s’arrêtait pas et percutait le véhicule de secours, qui allait s’encastrer contre un arbre.

Poursuivi pour blessures involontaires, outre une conduite en état alcoolique, le prévenu et son assureur soutenaient que l’ambulance n’avait pas le droit de circuler sur la voie de tramway et que l’accident était dû à la seule faute de son conducteur, blessé sérieusement dans l’accident.

Il est vrai que l’article R412-7 du Code de la Route est formel : « Lorsque, sur la chaussée, une voie de circulation réservée à certaines catégories de véhicules est matérialisée, les conducteurs d’autres catégories de véhicules ne doivent pas circuler sur cette voie » En théorie donc, personne ne peut circuler sur une voie de tram

La seule exception concerne en effet les couloirs  réservés aux bus, où peuvent circuler le véhicules d’intérêt général lorsqu’ils « font usage de leurs avertisseurs spéciaux dans les cas nécessités par l’urgence de leur mission et sous réserve de ne pas mettre en danger les autres usagers » (article R-432-2 du Code de la route).

A GRENOBLE,  des ambulances (mais aussi des voitures de police, des taxis..) empruntent régulièrement les voies de tram. Il y avait donc sans doute une réglementation municipale spécifique sur la question et  il me fallait trouver de quelles autorisations ces véhicules pouvaient bénéficier. J’ai contacté la Mairie, qui m’a apporté une aide précieuse. 

J’ai donc produit l’arrêté municipal du 6 juin 1991, concernant la ligne A et énumérant les véhicules autorisés à circuler sur la plate-forme destinée aux tramways, « à titre exceptionnel, dans le cadre de leur mission et uniquement à proximité de leurs lieux d’intervention« .

Le raisonnement de la Cour a été très clair : l’ambulance était autorisée à circuler sur la voie de tram, répondant à un appel d’urgence « pour secourir une personne blessée par arme blanche, située dans un secteur géographique proche »

Quant au conducteur  fautif, dont l’attention aurait dû être attirée à la fois par le panneau « cédez le passage » et le feu clignotant, il devait respecter les prescriptions des articles R415-7 et R415-13 du Code de la Route et «  avait l’obligation, en s’approchant des voies du tramway, de se montrer prudent, de ralentir et de s’assurer, avant de traverser, de l’absence de véhicules circulant sur ces voies, venant de gauche ou de droite, ce qu’il n’a pas fait. Il a ainsi commis une faute d’imprudence qui est la cause de l’accident et des blessures subies par les personnes qui se trouvaient dans l’ambulance. »

A l’argument du prévenu selon lequel il n’avait pas besoin de vérifier si quelque chose venait de sa gauche pour s’engager car les tramways ne circulaient pas encore au moment de l’accident, la Cour répond que « l’obligation de respecter le « cédez-le-passage » s’imposait à M.R , même s’il circulait en dehors des heures de circulation des tramways dans la mesure où les voies du tramway étaient ouvertes à différents types de véhicules, autres que les tramways. » et de citer l’arrêté que j’avais produit.

On peut donc déduire de cet arrêt que si le prévenu avait renversé, dans les mêmes circonstances, une motocyclette par exemple, il y aurait vraisemblablement eu partage de responsabilités puisque ce véhicule n’avait pas le droit de circuler sur les voies de tram.